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ALINE, (hausse les épaules.)

Oui, Rantz pourrait plus mal faire… Et puis il a ses raisons et ses motifs. (Avec éclat.) Mais ta mère !

MAURICE.

Chut !… Tais-toi, je t’en prie, tais-toi !… Tout ce que tu pourrais me dire, je le sais… Ne l’accuse pas, cherche-lui des excuses, au contraire, si tu veux me faire plaisir. Elle en a… Elle a tellement souffert ! Elle l’aime tant ! Et puis, mon Dieu… elle croit peut-être que c’est pour mon bonheur !

ALINE.

Non, non ! Ce n’est pas là son mobile !

MAURICE.

Tais-toi, alors… si tu le penses… Je viens d’avoir un très grand serrement de cœur, il ne faut pas que j’entende tout haut ce que je n’ose pas encore me dire tout bas… En tout cas, si j’ai éprouvé une forte peine, par contre, je viens de recevoir la plus grande compensation que je pouvais espérer !… Car non seulement toi, avec ton petit cœur, tu as trouvé le premier élan, mais tu viens de faire encore mieux : tu n’as pas pensé à toi une seconde, tu n’as pas pensé à cet argent inespéré qui nous tombe du plafond, à ton changement de situation… non, tu as pensé à moi, dans ton premier mouvement ! Tu as deviné ma peine de cœur… Tu n’as vu qu’elle !… Eh bien, c’est très beau, Aline, et tu ignores tout ce que ça peut effacer !…

(Il lui prend les deux mains. Elle se jette à son cou et lui relève la tête.)
ALINE, (avec une grande tendresse.)

Pleure donc pas, voyons, mon gosse adoré ! Pleure pas !