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même de notre rire, de notre joie de nous retrouver intacts l’un devant l’autre. Il faut que nous refassions notre vie, Liane, et sur des bases complètement nouvelles, tu entends, complètement nouvelles ! Il faut que tu te fies à l’intelligence du pilote. Obéis, non en esclave, mais en femme aimante.

LIANE.

Ordonne, puisque je suis persuadée que ce que tu dis est vrai, que tu reviens un peu par un reste d’affection (Avec crainte.) car… me permets-tu, non d’en douter… mais de te poser cette question avec encore un peu d’angoisse. La raison de ton retour à moi ? Est-elle dans une vieille réserve d’affection que tu ignorais toi-même, dans de la pitié… je m’en contenterais… dans…

RANTZ.

Tout, sauf dans l’intimidation, voilà ce que je veux que tu saches bien… Ton fils a d’ailleurs abandonné sa sotte et lamentable manœuvre de chantage : donc tu aurais, s’il le fallait, la preuve que mon retour est délibéré, sans contrainte aucune… du moins sans autre contrainte que celle de mes propres sentiments. Nous étions arrivés à un point de discorde tel qu’il n’y avait plus qu’à nous séparer à tout jamais, ou à recommencer littéralement notre vie, revenir au point de départ. Nous nous sommes arrêtés, stupéfaits à deux pas de la mort… Devant le terrible choix que tu me donnais, j’ai cédé, mais à une condition seule, par exemple, sine qua non, c’est que notre vie sera modifiée de fond en comble. Plus d’irrégularité, plus de cette pourriture de parisianisme… Un ménage nouveau, rigoureusement social, retrempé dans de nouveaux devoirs. Ces êtres veules et tragi-comiques que nous avons été, à la