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chissement de la femme, et de tous les esclaves. J’ai foi dans le progrès humain. Je déteste les idées conventionnelles. J’aime passionnément la nature, et je mourrai avec la conviction que l’humanité marche vers des codes merveilleux de justice, et de fraternité, en dépit de toutes les horreurs. J’accepte de nos pères cet héritage d’idéalisme.

J’ai écrit en épigraphe, quelque part : « Ariel est dans Caliban ». Cette phrase résume à peu près toute ma conviction. Elle veut dire que la matière et l’esprit sont indissolubles, se combinent l’une l’autre et que les forces admirables mais terribles de la vie sont éternellement perfectibles : Ariel est partout prêt à jaillir, comme l’eau du rocher. Cette phrase veut dire que toutes les lois de nature sont belles et respectables, à commencer par l’amour, splendeur de la vie, et que le péché et l’ordure ne sont pas à sa base. Elle veut dire, cette phrase, que le rythme de la vie, avec ses instincts et ses lois imposées, est la chose admirable contre laquelle il ne faut pas s’insurger en la salissant, mais qu’on doit admettre en la vénérant. Les hommes, les sociétés et les religions ont eu le tort antique de nier ou de déformer la beauté de ces forces génératrices. Mais, par contre, ces forces ne sont que des bases ; Caliban n’est que de la matière. Et cette phrase veut dire aussi, par conséquent, que l’honneur de l’humanité doit être de s’attacher à spiritualiser l’instinct et l’intuition, à agrandir les limites de la conscience. J’ai été heureux de voir préciser magnifiquement, en ces dernières années, par Bergson, des idées sur l’intuition qui, chez moi élémentaires, faisaient l’objet de mes préoccupations. Dans leur humble et mince sphère, mes pièces ne signifient pas