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qui sera plus tard la sauvegarde et l’intérêt de l’œuvre. Reportez-vous aux novateurs d’autrefois ou de naguère et vous constaterez vous-même cette loi d’équilibre.

Une impression neuve froisse en nous les traditions. On traite de lacune le fruit des vérités retrouvées ou renouvelées. Manet rejoignait les classiques ; ses contemporains le prenaient pour un anarchiste ou un malade.

Jadis, j’ai moi-même souri du Balzac de Rodin par première impulsion. La volonté d’art du Balzac est pourtant belle, saine, logique. J’étais absurde comme tout le monde ! Il faut, même à un esprit averti, le crible du temps pour qu’il puisse concevoir la sincérité ou l’étendue d’un point de vue nouveau, d’une formule qui rompt avec les canons établis.

On devrait savoir surmonter la première impression que vous procure le contact d’une œuvre un peu nouvelle, car cette première impression, désagréable en ce qu’elle blesse, comme je l’ai dit, les conceptions acquises, ne peut être évitée. Des gens qui, en musique, avaient la conception de la mélodie selon le mode de Gounod, devaient être nécessairement choqués par la conception de la mélodie wagnérienne ; ainsi de suite. Chaque œuvre apporte une atmosphère à elle, particulière, qui l’enveloppe, l’étreint et procure toujours au premier auditeur une vague sensation d’incohérence. Il faut la dépasser. Malheur à ceux qui s’arrêtent à l’objection ! Ils seront éternellement Bouvard et Pécuchet et, avouons-le, c’est, la plupart du temps, le cas de la critique. L’objection est dans tout, même dans les chefs-d’œuvre. Wagner faisait du bruit, c’était vrai !… Debussy aujourd’hui est compliqué… Eugène Carrière peint