Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 7, 1922.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pièce, lorsqu’elle apporte une conception un peu neuve doit choquer non pas les êtres incultes ou à culture assez inférieure pour qu’ils ignorent le parti pris, mais ceux au contraire qui sont enrichis de formules, de traditions, de conventions antérieures et de beautés classifiées. La brièveté du spectacle, le tumulte des couloirs, le goût naturel de nier ou de rabaisser l’effort, la joie d’avilir, de dénigrer, de défendre des intérêts opposés et des firmes commerciales, l’impossibilité aussi où se trouve l’auteur de développer en scène l’idée profonde de son œuvre, chargé qu’il est de représenter de la vie directe, l’habitude que l’on a de considérer la valeur de la pièce intrinsèquement, sans la rattacher à des conceptions générales de l’auteur, cette légèreté dans l’information qui est une des plaies du journalisme et de l’opinion, tout cela fait le reste et forme un poids mort qui retarde effroyablement la vérité, — malgré l’intelligence ou la capacité de l’élite ! Je parle de cette véritable élite dont le silence ou la réprobation « font le tourment des mauvais écrivains », et qu’un auteur du XVIIIe siècle appelait : les quarante justes de la capitale.

Mais, que vous donniez une heure, un jour ou une semaine de réflexion, ou même cinq ans (cinq ans vaut mieux cependant), à qui doit nous juger, il n’en subsistera pas moins ceci : toute œuvre qui apporte une nouveauté de conception doit nécessairement choquer ses contemporains en vertu de ce principe que toute beauté nouvelle dérange en nous ce qu’il y a de précédent, d’acquis.

C’est toujours le point déterminant de la conception qui suscite l’objection première. Et, par un fatal mais un peu mélancolique retour, c’est lui