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mais non sans intérêt, de la critique lorsqu’elle verse dans l’analyse, et lorsqu’elle n’est pas l’émanation de l’esprit négateur qui retarde la marche du monde. La critique a droit de vie dans les lettres. Toutes les formes de la pensée sont belles. Si la censure en soi est chose absurde, l’analyse attentive, le disséquage réfléchi des œuvres est un louable exercice qui a ses maîtres, s’il n’eut jamais ses génies. Certes, la petite critique imbécile qui consiste à relever que le troisième acte est meilleur que le deuxième ou que la fin du premier paraît insuffisante, est tout à fait dénuée de valeur ou d’intérêt ; mais quand la presse n’est pas la circulation de la mort (voyez même les grossières et pernicieuses erreurs d’un Sainte-Beuve), elle est, au contraire, la circulation de la vie. Elle fait l’effet d’un sérum généreux qui active l’organisme et enrichit les échanges cérébraux. Non, jamais il ne me viendrait à l’idée, encore une fois, de m’insurger contre les critiques adressées à des faiblesses d’exécution ou à des tares littéraires, le reproche fût-il inexact ou sévère. Il est fort possible que je ne sache pas écrire en français, ni construire un caractère et que mes ouvrages soient, selon l’expression dont un critique notoire [1] salua mes débuts, « un crime de lèse-littérature qui devrait être puni par les tribunaux ». En tout cas, c’est un droit de l’écrire. Je m’élève seulement contre l’intervention du point de vue moral, qui constitue une éternelle déloyauté.

Toutefois cette déloyauté n’est pas seulement le fait de l’envie embusquée. Songez au nombre d’ennemis naturels que l’on compte dans une

  1. M. Adolphe Brisson