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que nous portons tous au milieu de l’effervescence d’une répétition générale ou d’une première. Ce ne sont que les œuvres de pur génie, et seulement encore lorsqu’elles parviennent à la postérité, qui peuvent se soustraire à ce genre de jugement fragmentaire ou limité. Nous ne disons plus, à propos de Britannicus ou d’Andromaque : « Le deuxième acte est meilleur que le troisième », ou bien : « J’adore le premier acte de Tartufe. » Mais les contemporains ne l’ont-ils pas dit autrefois ?…

Ces grandes œuvres sont aujourd’hui inséparables de l’esprit général qui les anima ; nous ne les jugeons plus fragmentairement. Le génie bénéficie ainsi à travers les âges d’une attention spirituelle et élargie que de plus humbles ne connaîtront jamais de leur vivant.

Ne voyez dans ces lignes aucun reproche, aucune amertume. J’ai eu à me louer souvent de la façon accueillante, loyale, dont la haute critique m’a encouragé et soutenu. Je ne parle pas de cette horde de polémistes, de scandalisés professionnels (les Triste France ! les défenseurs de la morale soi-disant offusquée). Ceux-là, je les ai retrouvés à chaque tournant, je les retrouverai demain ; ils ne manqueront pas à l’appel ; peut-être ont-ils déjà fourbi leurs armes démodées. Elles font partie de l’arsenal littéraire, et d’autres que moi se sont honorés de leurs attaques.

Ce soir, on se trouvera en présence, comme toujours, d’une œuvre sincère, sans concessions, bien ou mal écrite, mais tout emplie de sa conviction. Elle se différencie pourtant un peu de mes œuvres précédentes. Plus je vais, plus il m’apparaît que les moindres faits doivent avoir leur valeur allégorique ou symbolique ; ils doi-