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LE PRINCE.

Si Mademoiselle le désire…

(La mère, après une hésitation et un signe au prince, se retire lentement. Thyra referme la porte à clef sur elle. Elle a retiré la coiffure de Salomé, mais elle a gardé le costume.)


Scène VI


PHILIPPE, THYRA

THYRA.

Oui, je me rends compte en effet que je vous devais une explication. Je vais vous la donner complète, sans une omission. Nous ne nous reverrons plus, il vaut donc mieux que vous sachiez qui je suis… Je ne vous épargnerai rien. Peut-être ne comprendrez-vous pas tout de suite, c’est probable… mais je suis rassurée, plus tard, dans quelques années… vous comprendrez… Voici ma confession. Je vous donnerai les dates et les heures. D’ailleurs, je tiens à être précise. (Elle passe les mains sur son front. Philippe ne bronche pas. Il la regarde anxieusement.) Quand j’eus perdu ma voix… voyons, c’était en 1909… oui… ce fut un effondrement pour moi, épouvantable… Je me suis consacrée à la sculpture parce qu’on m’avait trouvé des dispositions et que la vie sans but, sans l’art, ne signifiait rien à mes yeux… J’entrevoyais bien l’amour au bout… mais ça c’était le couronnement de l’édifice, pas autre chose !… Je me suis mise à travailler avec acharnement, dix heures par jour… De temps en temps je me sentais fatiguée, lasse, malade… seulement comme le lendemain je reprenais mes bonnes cou-