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vais l’être ce soir. Je vais m’appliquer. (Elle prend les deux costumes et les jette sur un divan.) La manucure seulement, n’est-ce pas, c’est bien compris ? Ah ! que ça va être agréable… toute seule… pendant qu’il pleut sur les vitres de l’atelier. Je vais grignoter sur un petit coin de table, ou sur cette peau blanche. Je vais me déshabiller près de la vasque, et je vais mettre trois heures… quatre heures, tant que je pourrai… à m’arranger, à attendre…

GREEN.

Mademoiselle n’a pas besoin de moi, alors ?

THYRA.

Apportez-moi dans quelques instants, toutes les pâtes, les flacons, les brosses, les parfums, et, à sept heures, qu’on me serve sur un plateau les bonnes petites choses que j’ai commandées. Fermez toutes les portes et plus de bruit dans la maison. (Green s’en va. Thyra prend les colliers que la femme de chambre a sortis avec les costumes. Elle les met nerveusement autour de son cou, passe trois ou quatre bagues à ses doigts et entrouvre son corsage. Elle enlève quelques épingles de ses cheveux. Les cheveux tombent sur ses épaules. Alors, elle prend le bonnet de corail et le pose à peine sur sa tête. Elle arrache au bouquet de lilas quelques branches, joue avec elles, en chantonnant. Puis, tout à coup, elle s’arrête net ; dans la psyché elle a vu son image de loin. Les sourcils froncés, elle se regarde.) Ah ! te voilà, toi ! (Elle fait un pas avec un geste de colère. Elle lance les fleurs contre la glace, en la visant, de loin ; puis elle se rapproche, regarde fixement, avidement son image ; à droite et à gauche, jette un regard peureux et circulaire, comme pour mesurer sa solitude. Alors, elle s’approche tout contre la glace en allongeant les bras et en se souriant, la tête un peu renversée en arrière. Quand elle arrive à la