Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 7, 1922.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

THYRA.

Comme c’est bête ce que vous dites, même en riant ! Toute ma jeunesse, je m’étais prophétisé le contraire… Ce n’est qu’avec un Italien, me disais-je, que je pourrais vivre agréablement en France.

LE PRINCE.

Comme c’est vrai ! La France est exquise, à condition de n’y être pas Français. Vous voyez que nous sommes bien faits pour être heureux à Paris comme à Rome… Cependant, parce que vous avez pu songer, même à la légère, à une rupture, il faut que, physiquement au moins, vous vous sentiez bien éloignée de moi ! C’est déjà embêtant.

THYRA, (se retournant vers lui.)

Oh ! je désire que vous n’alliez pas faire, plus tard, des réserves de ce genre… Vous voulez que je vous assure mes sentiments ? Eh bien, je le dis sans fausse honte : je n’ai pas été insensible du tout à ce qu’on doit nommer votre charme, à vos manières de chat tigre… ces yeux qui vous brûlent… votre voix à la fois vibrante et voilée… Oui, tout cela je l’éprouve… Quand vous entriez, je me sentais envolée, partie, dépouillée de mon enveloppe charnelle. Quand j’étais lasse, vous aviez le don de ranimer mes yeux… j’ai toujours été contente de vous voir… Vous étiez toutes les grâces de mes ambitions…

LE PRINCE.

À la bonne heure ! Je commence à me rassurer ! J’en avais besoin.

THYRA, (penchée sur lui et souriant avec contrainte.)

Et, maintenant que je vous l’ai dit, pour que