Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 6, 1922.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

FANNY, (changeant de ton, très maîtresse d’elle-même, prenant une résolution.)

Pourquoi avoir peur ? Quoi de plus simple que ce qui va se passer ? Je vais aller ouvrir moi-même… après avoir enlevé mon chapeau. (Elle l’enlève.) J’aurai l’air d’être installée le plus naturellement ici… Ma présence, c’est ta sauvegarde… Je le reçois quelques secondes et je le congédie… Je ne t’appellerai que si ta présence est nécessaire… Allons, entre là, dans ton salon d’attente… dépêche-toi donc !… Je sais bien ce que je fais !

ARMAURY, (tentant une dernière fois de la fléchir.)

Ouvrons au moins la porte auparavant, qu’elle descende… ou qu’elle s’enfuie…

FANNY.

Jamais de la vie… Après… pas avant !

ARMAURY.

Mais si tu restes seule avec Charance… tu ne seras pas de force… tu vas te trahir…

FANNY, (avec hauteur.)

Allons donc !

(Autre coup de timbre.)
ARMAURY.

Deux coups déjà… Fanny, notre hésitation est imprudente.

FANNY.

Elle est folle, tu veux dire… Entre, entre donc… C’est tout naturel… Je dirai que tu es avec quelqu’un… Vite…

(Armaury se décide ; mais, du seuil, il se retourne et regarde sa femme, d’un regard intense et fixe.)
ARMAURY.

Fanny, nous sommes à ta merci ! Que vas-tu faire ?… Tu peux me perdre !