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ARMAURY.

Tu l’as enfermée ?

FANNY.

Oui. Nous nous sommes vues. Je viens d’entr’ouvrir la porte. Ça m’a suffi. Elle était là, droite, derrière un rideau. J’ai donné les deux tours de clef…

ARMAURY.

Rends-la moi…

FANNY.

Allons donc ! Tu n’y penses pas. Je te la rendrai quand je voudrai, comme je voudrai. Comment ! j’aurais l’occasion de parler pour la première fois à cette petite et je la laisserais passer ! N’y compte pas ! Il ne te reste plus que deux moyens… ou m’arracher de force cette clef, ou faire sauter la serrure. Si tu veux avoir recours à ces moyens… (Elle a reculé jusqu’à la table de travail. Elle attend, craintive. Leurs yeux se fixent avec une expression mauvaise. Il hausse brusquement les épaules et se met à arpenter la pièce.) Marcel, tu allais partir avec elle ! La lettre disait vrai.

ARMAURY.

Ce n’est pas exact le moins du monde.

FANNY.

Il ne faut pas que tu partes !… Il ne faut pas que tu partes !… Ce serait une chose trop épouvantable. Ah ! mon Dieu, moi qui croyais avoir passé par la plus affreuse révélation, tu m’en réservais une plus effroyable encore. L’idée ne m’était même pas venue que ce fût possible et, sans cette lettre, je serais encore chez moi à me torturer du