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ARMAURY, (se dégageant.)

Pour la vie !… Mais, mon petit, évalues-tu ce chiffre-là ?… Tu as dix-huit ans… dix-huit ans… C’est effrayant !… Certes, je ne suis pas un homme vieux, mais je suis sur le second penchant… je vais descendre la côte. Un jour viendra où je te ferai signe d’en bas et tu seras encore dans ton éclat… Alors, si tu ne me regardes pas avec mépris, peut-être me regarderas-tu avec un immense regret. C’est vertigineux d’envisager comme nous le faisons en cette minute toute notre vie, d’un coup d’oeil !… Que sera-t-elle ? Et tu es là, à apporter ce miracle avec tes deux petites mains offertes et ton sourire tranquille… Dianette, j’ai bien des remords, mais j’ai celui d’avoir quarante ans passés. N’as-tu pas peur ?

(Elle lui prend la tête et l’appuie doucement contre sa joue.)
DIANE.

Enfant !

ARMAURY, (radieux.)

Ah ! pour un mot comme celui-là quelle folie ne ferait-on pas ? Il n’y a que toi, Dianette ! Alors, paroles vaines ?… c’est décidé ?… Rien à faire ? lâchez tout… on part ?

DIANE.

On part.

ARMAURY.

Dans ce cas, Ketty est bien gentille, mais nous n’allons pas nous priver de la joie de notre premier voyage en auto. Je vais lui faire prendre le train et nous la rejoindrons à une station avant l’arrivée à Dieppe. Ça va-t-il ?

DIANE.

C’est mon avis.