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DIANE.

Qu’est-ce qu’il y a d’effrayant ? Je suis heureuse…

(Elle lui prend la main et l’applique à son cœur pour lui en montrer les battements mesurés.)
ARMAURY.

Oui. Il bat comme à quinze ans. Maintenant, assieds-toi. Il faut que je te parle. L’auto ne viendra pas avant quelques minutes… assieds-toi… Il est encore temps de réfléchir. Dianette, dans une heure, il sera trop tard. Tu peux encore rentrer chez toi… il est temps… oui, oui, ne proteste pas… Laisse-moi te demander de réfléchir, toi qui viens si ingénument me faire le don entier de ta vie, avec cette formidable inconscience de la jeunesse.

DIANE.

Aurais-tu peur ? Me refuses-tu ?

ARMAURY.

Ne dis pas de folies ! C’est pour toi que je frémis, c’est la responsabilité que je prends envers l’être que j’aime le plus au monde… As-tu bien pesé, dans le silence, la conséquence de ta résolution, mon enfant ?

DIANE.

Oui, Marcel.

ARMAURY.

Peut-être pas, Dianette, peut-être pas autant que tu le crois !… Ce que tu vas rayer d’un coup, ce sont des années d’une vie qui aurait peut-être été heureuse, banalement, d’une existence honorée. Te satisferas-tu d’être ma maîtresse, de vivre à l’étranger, où nous serons confinés jusqu’à ta majorité ; et, ta majorité venue, quand l’irrépa-