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impure, et j’ai délaissé le beau titre décoratif de la pièce médiévale. Dans cette course au sublime, que l’amour impose à mes deux héroïnes, vers la fin de la pièce, c’est l’Uxor qui l’emporte.

Presque au moment où ma pièce est représentée, vous venez sans doute de lire dans les journaux certaine affaire mondaine qui a l’air d’être le commentaire ou du moins la preuve même de mon personnage. Deux hommes viennent de se battre, à cause de la même maîtresse (et ceci est très éloigné de la Vierge Folle) ; mais voici où le rapprochement s’impose. L’un des deux bretteurs était marié, et la femme légitime, malgré le scandale public, n’a pu résister à l’instinct d’amour qui la poussait. Irrésistiblement, elle s’est senti attirée sur le terrain même du duel, — et le mouchoir aux lèvres, en proie à la terreur du meurtre, derrière un arbre, indifférente aux objectifs photographiques braqués sur elle, elle a attendu l’instant où son mari s’est abattu, frappé par le fer de son adversaire, pour se précipiter sur le corps meurtri, sans souci de la morale mondaine, de la révolte ou du sourire.

Quand le sentiment est juste, la vie le confirme toujours et l’on s’aperçoit qu’on n’a jamais outrepassé la vérité, mais que le plus souvent on est resté bien en deçà…

Les passionnés sont utiles. La passion donne aux amants le coup d’étrier nécessaire pour se joindre à travers les obstacles, pour se secourir même, à travers les haines réciproques. Les passionnés dépassent le sentiment affectif habituel, et, par cela même, ils atteignent une zone inter-