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ARMAURY.

En votre âme et conscience, en toute votre foi, vous êtes sûrement convaincu que je commets une lâcheté si je ne me rends pas à votre prière ! Eh bien ! moi, je pense le contraire ; je pense que c’est en vous rendant cette petite que je serais un lâche.

L’ABBÉ.

Un lâche ?…

ARMAURY.

Absolument ! Oh ! je ne discute pas ma faute ; mettons que j’ai agi mal, abominablement… soit ! Il ne me vient pas à l’idée une minute, notez-le, de justifier l’homme dont le devoir succombe à l’entraînement de sa tendresse et je ne veux pas prétendre à la liberté absolue de nos passions… Non ; j’ai aimé, c’est mon excuse, mais ce n’est qu’une excuse. Seulement, à l’heure présente, la faute est accomplie, elle est irréparable. Maintenant, il n’y a plus en face de nous que ses conséquences. Eh bien, sans que vous vous en doutiez, car vous ne vous en doutez même pas, tellement vous avez foi en votre propre morale, vous venez me proposer une vilenie… Désormais, j’ai acquis d’autres devoirs, Monsieur l’abbé, une autre responsabilité, celle que je me suis créée vis-à-vis de cette petite, de ce nouveau foyer. Ne sursautez pas, je n’ai pas peur du mot : foyer… J’ai maintenant charge d’âme et de destin, et de quelle âme, de quel destin fragile !… Et, en fuyant cette responsabilité-là, c’est alors que je serais un lâche et un hypocrite ! Oui, au nom du même principe, que vous consacrez et glorifiez à l’autel, celui qui fait que deux êtres s’engagent en s’aimant à quelque chose de sacré,