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drais savoir, c’est l’heure d’arrivée à Monte-Carlo, par le train de luxe…

GASTON.

Rien de plus simple. (Il s’assied, consulte l’indicateur. Pendant ce temps on voit sur le visage de Fanny qu’elle écoute minutieusement ce qui se passe dans la maison. Gaston feuilletant.) Voyons… 36 a… Paris… Paris-Lyon… Voilà… Vous allez vous reposer là-bas ou vous allez jouer ?

FANNY.

Oui, jouer… C’est une chose passionnante et attrayante que le jeu… Risquer, dans un mouvement, dans un geste, délibérément, parce qu’on le veut, toute une partie de sa vie, de son bonheur ! Ah ! ce sont des minutes effrayantes…

GASTON.

Voilà… Midi… deux heures, Cannes… Vous jouez donc si gros jeu que cela ?…. Cannes… Nice.

FANNY.

Un jeu terrible !… Cela ne vous est pas arrivé, à vous, de mettre, sur une minute, une demi-minute, tout votre capital de bonheur, et de le faire, instinctivement, comme cela, du bout du bras, comme si on jetait une cigarette… Et voilà… la partie est engagée, toute votre vie va dépendre peut-être de cette minute-là…

GASTON.

Monte-Carlo… six heures… Six heures dix. (Il se lève en souriant.) Mais, dites-moi… vous ferez bien de ne pas aller là-bas, car vous m’avez l’air de garder au jeu des rancunes !… vous avez encore dans la voix le petit frisson qui en dit long… la peur de perdre.

(Il fait le mouvement de se lever.)