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bien, mettez-vous à ma place… ce départ précipité, cette absence réelle de ma sœur juste aujourd’hui… Bref, on en arrive de fil en aiguille, non pas à se demander si les aberrations les plus extravagantes sont possibles, mais à ne pas se reconnaître le droit au moins de rester inactif ; et l’on s’en vient constater, de visu, qu’on a été un simple imbécile, ce que je fais, d’ailleurs, sans la moindre difficulté !

(Elle semble réfléchir, puis lui remet la lettre.)
FANNY, (d’un ton plus courtois.)

Maintenant, seulement, je vous excuse.

GASTON, (qui encouragé, se débonde.)

C’est la force, d’ailleurs, de ces lettres anonymes, et les gens qui les écrivent savent bien ce qu’ils font. Celle-ci, d’ailleurs, dépasse l’invraisemblance…

FANNY.

Elle émane sans doute d’un domestique renvoyé. L’écriture en est d’une vulgarité…

GASTON.

Il est certain que parmi nos relations, personne ne pourrait jaser sur les rapports de Monsieur Armaury avec ma sœur. On est trop sûr de sa parfaite correction. Tout indique d’ailleurs quelqu’un du dehors, quelqu’un qui ignore les habitudes de la maison et qui ignore même que le courrier est dépouillé par un secrétaire. La lettre a été jetée quelques heures seulement avant le rendez-vous indiqué, comme si elle avait été écrite subitement, sous le coup d’une nouvelle apprise à la dernière minute. C’est assez malin ! (Fanny approuve, et regarde encore vaguement, complaisamment,