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LOLETTE.

Reste ainsi un peu… laisse-moi appuyer ma tête sur ton bras, comme autrefois. C’est si bon !… Si bon !… (Elle laisse aller de tout son poids sa tête sur les coudes de Bernier qui l’appuie un peu contre sa poitrine.) Tu te souviens ?… J’en ai passé des heures ainsi !… Te souviens-tu de la première séance dans ton atelier ?… Tu étais fatigué, tu as dormi sur le divan et j’étais juste comme maintenant. Le soleil avançait sur le tapis… Je vois encore les machins bleus et roses… C’est drôle, tout ça… mon loup ! Et le tableau, hein ?… notre tableau… Et le jour de la médaille, quand tu m’as dit : « En avant pour la noce, Loulou ! en avant ! » Ah ! Pierre, changer tout ce qu’on a eu, contre tout ce qu’on a rêvé !… (Timidement, peureusement.) Et tu ne crois pas, dis… tu ne crois pas qu’il en reste un peu d’amour… au fond de toi… en cherchant bien ?

BERNIER.

Mais si, mais si…

LOLETTE.

À la longue… est-ce que je ne pourrais pas reprendre ma place… Peut-être que cette femme… j’arriverai à la pousser peu à peu…

BERNIER.

Bien sûr, bien sûr… pourquoi pas ? (Brusquement.) Écoute… je pourrais mentir, laisser flotter des équivoques… pas de ça !… Tu as droit à la vérité, à toute la vérité… Tu as assez souffert pour l’avoir.