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CLAUDE.

Tes jolies mains, dont j’étais si amoureux ! Ah ! quand j’ai senti qu’elles ne me repoussaient pas, tes mains, la commotion que j’ai eue au cœur !… Grâce, par moments, je crois que je rêve… C’est trop beau pour moi ! Je ne suis pas digne d’un bonheur qui va m’échapper, ce n’est pas possible autrement, un bonheur que je ne comprends même pas encore !… Ah ! ma petite madone, ma petite madone, pourquoi m’as-tu aimé ?…

GRÂCE, (le regardant bien dans les yeux.)

Parce que tu es bon, mon Claude, parce que tu es simple et délicat… parce que j’ai vu ton âme et que je n’en veux pas d’autre. La bonté, c’est la beauté suprême.

CLAUDE, (à voix basse.)

Grâce ! Grâce ! je serai comme un chien pour toi… Je te rendrai heureuse ; tu verras, je trouverai moyen… Pourvu que tu n’ailles pas souffrir, mon Dieu !… Je n’ose y penser de tout le jour… Que tu aies voulu, toi, cette chose, t’enfuir avec ce pauvre, toi, « mademoiselle », cette chair si fine, si rose, si délicate… ce petit être que je ne rêvais qu’en tremblant, et dont je me serais estimé trop heureux de ne posséder que le parfum ou le mouchoir… à moi, à moi… dans ma chambre !… Je suis comme ces voleurs qui ont emporté quelque chose d’une maison, ils ne savent pas quoi, quelque chose de précieux sûrement, mais qu’ils n’osent encore regarder, de peur que ce soit trop beau… ou rien du tout, peut-être…