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dras après… J’ai cédé à la tentation du bonheur ! Ce fut une folie ! J’aurais dû nier, nier jusqu’à la gauche… On n’est pas tous les jours intelligent, voilà ce que ça prouve. Dans ton cœur, dans ton esprit… j’avais un double et je l’ai tué bien stupidement, puisque je ne pouvais pas le remplacer. Il y avait un Didier irremplaçable. Ce n’était pas tout à fait moi-même, c’était mon ombre, si tu veux, mais c’était elle que tu aimais… Tu la caressais comme un chien. C’était bon… J’ai cru que je pouvais me substituer à elle… tu l’as cru aussi… mauvaise affaire !

ROSINE.

Pourquoi ?… parce que je viens d’être un petit peu nerveuse… parce que…

POLICHE.

Mais, ma pauvre fille, pas pour cela, pour tout !… Dès le premier jour, nous étions gênés dans les entournures… Nous avons commencé par les mots de politesse. Maintenant, nous arrivons aux mots irréparables, à ce qu’il ne faut jamais dire… jamais.

ROSINE, (d’une voix d’enfant grondée et repentante.)

Je ne les pensais pas, ces mots-là…

POLICHE.

Je sais bien, parbleu !… Mais c’est trop déjà de les avoir dits… Demain, tu les penseras… (Un soupir.) Ah ! vieil ami Boudier, quelle gaffe tu nous avais fait faire !…

ROSINE.

Mais je ne sais pas ce qui te prend. Je te laisse aller… Qu’est-ce que tu vas imaginer, maintenant ?