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GRÂCE.

De quel droit êtes-vous ici ?… De quel droit ?…

ROGER.

Je ne vivais plus… Une angoisse affreuse m’a saisi hier soir… J’avais peur, oui, je l’avoue… je redoutais tout de votre affolement !… Depuis minuit, quand on s’est aperçu à la maison de votre fuite, ma femme et moi nous ne nous sommes pas dit un mot… J’ai attendu le premier train du matin… J’ai interrogé les employés de la gare… Oh ! ces heures !… ces heures que je viens de vivre !…

GRÂCE, (sur un ton de colère épouvantée.)

Et Suzanne, Suzanne ? malheureux !… Ma disparition précipitée était une réponse à tout ce que nous avions dit dans la soirée, elle et moi… Et maintenant vous gâchez tout !… Vous allez faire le malheur de cette pauvre femme, vous abîmez tout derrière mes pas. Il était dit que mes meilleures pensées seraient détruites par vous toujours… Suzanne !…

ROGER.

Ah ! qu’importe ! Elle comprendra… N’exagérez pas votre responsabilité. Certes, elle vous aime, mais ce qu’elle chérissait surtout en vous, c’était l’idée de l’amour que vous représentiez pour elle dans toute sa force !… Et puis, moi, je n’en pouvais plus, j’étais assailli par les craintes les plus folles !… J’avais la terreur de ne plus vous revoir.