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RYSBERGUE,
lui donnant une tape ironique sur l’épaule.

Et tu en as conçu, avoue, un peu de fierté ! Naïf ! Je suis fâché de t’enlever cette illusion facile, mais si nous étions seuls, toi et moi, ni l’un ni l’autre, nous ne la reverrions. Celle-ci va droit à sa continuation, son instinct la dirige égoïstement toujours… vers ce qui est son nouveau destin. Le passé est un fleuve qu’on ne remonte pas. Maintenant (montrant la porte de la chambre du bébé.) c’est à lui le tour !… Mais nous, mais nous… mon pauvre Richard !… Sans celui qui vient de naître, que serais-tu pour elle ! Va, va, quoi qu’elle t’en ait dit, ce n’est pas vrai… Elle a employé l’habile pitié des larmes pour t’attendrir… Que ne ferait-elle, probablement, pour gagner cet enfant ?… Elle revient avec la dernière des platitudes se ranger sous les lois qu’elle a reniées, il n’y a pas deux ans, et avec quel orgueil… Contradiction, oui, mais contradiction apparente… Et regarde la courbe de sa vie, comme elle est dessinée, nette, précise !… Mon pauvre Richard, va, tu as beaucoup à apprendre… Et les femmes te rouleront encore.

(Et, paternellement, il lui allonge une pichenette sur la joue. On dirait qu’il y a une jalousie sarcastique et triste dans cette caresse.)
RICHARD, (regarde son père, sans bien comprendre, ses yeux francs et clairs un peu ahuris.)

Alors, père, tu attribues à une basse comédie,