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sang bat plus timbré. À cette époque, l’esprit conçoit avec aisance et tend à serrer de plus près l’idéal dont on laissait vagabonder le caprice. En général, l’écrivain se dirige vers plus de simplicité et de conviction. Il s’interdit les déviations du sujet ; il s’irrite aux nonchalances. Habitué à concevoir à plans plus larges, il répugne aux surcharges. Le don de simplicité n’est pas inné en nous ; il s’acquiert avec la vie. La vraie simplicité est un aboutissement, non un point de départ. Les idées imposent peu à peu leur force. Une curiosité plus avide, un respect plus ému des êtres, de leurs souffrances, de leurs héroïsmes, de leur sincérité s’emparent de nous en même temps que l’on avance sans entrave à travers sa propre production. Ce sont là les effets ordinaires de la maturité. Sont-ils efficaces ? Sont-ils d’ordre inférieur ? Il ne nous appartient pas de juger.

En tout cas, si l’auteur ne s’aperçoit pas qu’il ait à renier grand’chose de ses convictions du début, il doit constater deux changements très nets qui se sont produits au cours de ces dix années. L’accord s’est fait entre le public et l’auteur ; autant la résistance des premières années avait été nette, autant elle paraît s’être aplanie. Les idées ont-elles gagné la foule ? En fait, alors que les pièces précédentes avaient à demi échoué, toutes les pièces qui suivirent connurent aisément leurs centièmes représentations et pour la plupart les dépassèrent. En outre, et ceci est plus significatif, les reprises de ces premières pièces — dont on vient de lire qu’elles heurtèrent leur époque — ne trouvèrent plus que sympathie là où elles n’avaient suscité que résistance ou hostilité, même parmi les critiques qui les avaient le plus dénigrées. Il en fut de L’Enchantement comme de Maman Colibri, comme de