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GEORGES, l’interrompant.

Non, ne me dis rien encore. Le hasard t’a fait tomber sur la minute de trouble la plus extraordinaire de ma vie… (Se passant les mains sur le front.) Tu ne peux pas savoir !…

PIERRE.

Odette m’a dit…

GEORGES.

Non, tu ne peux pas savoir ! Quoi que tu puisses imaginer, remets à plus tard le moindre jugement… Ce sera justice… En attendant, à la hâte, pendant que nous sommes seuls, je vais te demander tout de suite une chose. Puisque te voilà… demeure ici quelques jours… oui… Il faut que je parte. Ta présence précipitera et facilitera mon départ… Ah ! dans quelle maison reviens-tu !… On vient… Ta main ?…

PIERRE.

Tu t’en vas ?

GEORGES.

Oui… je suis dans un tel état de trouble… tout cela… le saisissement de ton arrivée… j’ai besoin d’un moment de repos et de recueillement… Je ne t’entendrais même pas, je n’entendrais personne d’autre que moi-même pour l’instant… Et puisqu’Isabelle descend, il est mieux que je te laisse seul avec elle.

PIERRE.

Mais…

GEORGES.

Si… si… cela vaut mieux. (Il va sortir, tout bouleversé, puis se ravise et droit à Pierre, la voix très émue.) Je te jure, Pierre, que je suis un honnête homme !

(Silence.)
PIERRE.

Je ne te demandais rien.

(Georges sort. Pierre, resté seul, lève lentement la lampe… et attend.)