ment même pour les œuvres moyennes, parfois incolores et fades, auxquelles il ne s’intéresse pas plus vivement qu’à bien d’autres, mais qui ne l’offensent ni ne le dépassent. De là aussi la servitude inimaginable des auteurs qui de tout temps ont redouté sa colère. Ce premier public des théâtres a conscience de sa force comme toutes les majorités. Il en abuse parfois et il est reconnaissant, ainsi que tout monarque inférieur, des marques de respect qui lui sont témoignées. Le public se fait souvent plus rétif qu’il n’est en réalité pour refuser une pâture qui ne lui plaît pas. Irrévérencieusement, disons qu’il lui arrive de faire la bête pour refuser le foin.
Il y a quelque ironie à constater que l’histoire de Poliche c’est l’histoire d’une âme moyenne mais délicate et élevée qui, pour plaire et conquérir, s’abaisse jusqu’au niveau commun. C’est toute la servitude de la supériorité devant la suprématie des forces vulgaires de la vie. C’est le drame de l’être qui porte en soi le rare et le beau, non seulement comme un obstacle à parvenir, mais comme une tare ou une honte naturelle. Séduire par la vulgarité, repousser par la beauté, n’est-ce pas une aventure répandue dont, à y réfléchir, dans l’ordre intellectuel, les auteurs dramatiques ne sont point absolument exempts ? Savourons en passant la joyeuse mélancolie de ce rapprochement et demandons-nous comment il se peut qu’on ait détourné l’abnégation devant Rosine du bonhomme Poliche, jusqu’à en faire une atteinte à la dignité du spectateur, un appel à la veulerie du caractère. Ah ! c’est qu’au lieu d’agir et de s’exprimer comme il le fait, de dire en son langage à lui des choses qui signifient à peu près ceci : « Ô matière ! matière cruelle et triomphante de la vie, tu es supérieure à tout parce que tu es belle ! L’intelligence n’est rien en face de ta loi. Il est nécessaire,