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tent… mais je les oublie après… Je n’ai pas beaucoup de bonheur, vous comprenez…

(Elle est tout proche, tout proche de lui, et parle, les yeux clos.)
GEORGES, nerveux.

Ne me faites pas repentir d’être resté, Jeannine… Remontez dans votre chambre.

JEANNINE, laissant glisser son front le long du bras de Georges.

Je perds la tête… je ne sais plus, moi… je vous aime, Georges !

GEORGES.

Ah ! détestable rusée qui voudrais lasser mon courage !

JEANNINE.

Ce rêve, pourtant ! ce rêve ! Être serrée une minute dans vos bras !… Je serais partie consolée… Vous êtes bien cruel, allez !… Je m’étais tellement dit : Dans tout ce que j’oserai lui crier, il y aura bien quelque chose pour l’émouvoir… Et ce sera comme lorsque je cours dans la prairie en chantant : « Je l’aime ! je l’aime ! je l’aime ! » (Mouvement de Georges.) Ah ! je vois cela ! vous détournez la tête… Vous me trouvez répugnante à vous dire ces choses… vous détournez la tête… C’est une petite fille de seize ans qui parle ainsi !… Eh bien, est-ce que vous croyez que je ne me fais pas horreur, moi !…

GEORGES.

Mais non, pauvre enfant, mais non… Ce sont d’autres pensées qui m’agitent et m’épouvantent !… Crois-tu que je n’entende pas cette mendicité de tendresse, crois-tu que je ne voie pas le trouble qui a détruit l’harmonie dans ce corps brûlant et cette petite tête égarée, ivre d’amour et de mort !…

JEANNINE.

Dieu, qu’on est bien contre vous !… Je vous aime !… Et puis on a fait sécher les châtaignes sur le perron, dans la journée… et c’est ça que c’est si parfumé…