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et vous faites ce que vous pouvez ! Seulement, puisque vous venez de me dire carrément votre façon de penser, je voudrais, à mon tour, cesser une minute mon genre petite fille qui me va si bien… Le moment est venu pour moi aussi de dire les choses sérieuses. Donc, ne bondissez pas, je vous en prie, oh ! cela surtout ! j’ai si mal à la tête aujourd’hui !… comprenez-moi en ami et écoutez-moi. (Georges fait signe qu’il est tout ouïe, avec l’air de dire : Asseyez-vous donc, Mademoiselle ! — Jeannine se rassied, puis, comme une leçon apprise, avec calme, mais d’une voix funèbre : ) Vous savez que pas une seconde, jamais, je n’ai renoncé à mourir.

GEORGES.

Nom de nom !

(Il envoie promener deux livres dans la chambre, d’un coup.)
JEANNINE.

Vous voyez !

GEORGES, furieux, tout rouge.

Je vous défends d’ajouter un mot de plus, vous entendez ! C’est révoltant, écœurant !

JEANNINE.

On dirait que vous apprenez une nouvelle !

GEORGES, déambulant, les bras au ciel.

Et voilà la vie que vous nous faites !… Vous êtes embêtante !… Oh ! ça !  !… Vous pouvez vous vanter de savoir raser les gens avec une persistance !  !… Heureusement on est meilleur que vous, on vous pardonne votre dada ! Vous êtes aussi une gosse, une vraie gosse, et cela explique tout. Vous verrez plus tard, comme elle vous fera rire votre funeste passion, quand je serai encore un peu plus décati que maintenant, et que nous en recauserons avec votre mari, un garçon charmant et bien mieux que moi… (Geste de protestation de Jeannine.) si, si, bien mieux que moi ! Vous verrez mon nez dans son vrai jour alors. Regardez-le mon nez : si c’est celui d’un homme pour qui on se suicide !