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qui furent représentés sous le titre de Ton Sang) remettait en présence les mêmes forces naturelles, mais modifiées par le lent travail des siècles : et c’était, cette fois, en une légende parallèle, l’homme et la femme modernes, le drame de leur échange moral et physique sous nos cieux contemporains, à travers la montée de la vie nouvelle où nos âmes se cherchent, se repoussent selon les rythmes inconnus de ces temps qui virent les beaux rapsodes paysans de La Lépreuse.

Après ces deux rêveries générales, l’adolescent qui les écrivit s’approcha plus près de la vie et, à mesure que lui-même avançait à travers sa propre expérience, il comprit, en se donnant pour tâche d’écrire des pièces de toute réalité, ce qu’il manquait encore au théâtre actuel. L’état conventionnel de la scène vers 1900, malgré les faibles essais de libération précédents, réclamait que l’on tentât d’abolir, chacun du moins dans la mesure de ses forces, cette entrave de convention, à laquelle s’était habitué le public au point de ne pouvoir plus s’en passer et de renier ce qui ne s’y soumettait pas. Au premier rang des cent conventions immuables (car heureusement il en est cent autres qui s’effritent peu à peu graduellement d’elles-mêmes et sans grand effort), se place la fameuse « séparation des genres ». L’Enchantement eut ce mérite de rompre un joug barbare et d’inaugurer, pour la première fois depuis que l’on fait du théâtre, un comique dramatique, du moins, pour être plus exact, une fusion complète de l’élément comique et de l’élément dramatique d’un sujet ; et cela sans l’aide de personnages chargés spécialement de représenter les rires et les larmes ainsi que le fit le romantisme, mais bien chez les mêmes personnages, dans les mêmes âmes, aux