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confiance des auteurs en lui, la rupture totale des vieux moules, comme par exemple (choisi entre cent) cette fastidieuse coupe en trois ou quatre actes que les machineries moins primitives aboliront, en permettant d’agrandir le champ visuel de dix ou quinze tableaux plus véridiques, tout cela, et bien d’autres choses encore à ne pas désigner ici, constitue autant de réformes préparatoires qu’il faut attendre patiemment et que les générations à venir sauront accomplir au fur et à mesure.

Pas de confusion, pourtant. J’insiste. Cette vérité théâtrale très supérieure que nous appelons de tous nos vœux ne sera jamais la réalité absolue, n’y comptez pas. Ce n’est pas elle d’ailleurs que nous souhaitons. L’art la répudie. Il veut toujours dégager les côtés plastiques des vérités. L’art, c’est la vérité amplifiée et esthétique. Quelle que soit cette vérité-là, elle ne pourra jamais satisfaire entièrement ceux qui dans le public la souhaitent restreinte et antiplastique. Il n’importe !… Allons bravement de l’avant.

En dehors de son intérêt particulier, de ses qualités intrinsèques, il y a dans la pièce de théâtre — digne de ce nom — des ressorts, vous le voyez, très cachés : sa volonté artistique, sa participation au progrès général et au perfectionnement de ses lois. C’est là une tâche à côté tout obscure et désintéressée. Ce n’est pas la moins belle, car elle est parfois sans récompense et elle est toujours comme un sacrifice ou une subordination très chaste à quelque Moloch invisible, à quelque dieu caché de l’art ; elle tire toute sa récompense de soi-même. C’est une contribution à la beauté de l’avenir, pourtant douteuse, une chaîne sacrée qu’on passe de main en main, à la façon de ces Japonais qui consacrent leur vie à la culture de certaines