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l’autre étude. Voilà le bilan, du moins au théâtre, exception faite des quelques grands phares isolés. En dehors de ces écoles, des amuseurs se plurent, avec un talent, une virtuosité parfois extraordinaires, à distraire la foule au moyen de fantaisies sans fondement, dont le mensonge s’effrite de lui-même aujourd’hui. C’est que les auteurs dramatiques du dix-neuvième siècle, pour atteindre à cette réalité supérieure, n’ont pas assez tenu compte de ses lois constitutives. Le théâtre envisagé comme art exige impérieusement la formule que je viens d’en donner, et que je ne craindrai point de rabâcher. Rapports des vérités intérieures de l’âme, générales et particulières, avec les vérités extérieures. C’est là son génie même et son essence. Hors de cela pas de salut ! Il faut s’y soumettre. Nous ne pouvons entrer ici dans plus de définition, mais le simple énoncé de la formule suffit à faire comprendre qu’une telle soumission à des règles aussi admirables ne manque déjà pas de beauté, et qu’un art ainsi compris se présente, contrairement à l’idée répandue, comme l’art supérieur par excellence, auquel le plus riche avenir est réservé. Le théâtre n’est nullement le moyen d’expression usé que l’on croit ; dirai-je, comme je le pense, qu’il sort à peine de l’enfance ? Il est d’ailleurs toujours d’une cinquantaine d’années en retard sur le mouvement littéraire, ce qui le rajeunit en tout cas de pas mal. Lorsque ses moyens d’exécution, même les plus matériels, car ils ont, hélas ! leur importance seront perfectionnés suffisamment, quel nouvel avatar l’attend ! La rapidité des changements de décors nous permettra de revenir à la méthode de Shakespeare, la meilleure, celle qui facilite l’ubiquité ; la diversité de lieux, la fragmentation en scènes et non plus en actes. L’intelligence de la foule, la sensibilité du public, la