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silence, l’exprimé aussi bien que l’inexprimé : le geste, l’âme, la nature ? Il dépeint l’être intégral… L’état actuel de la scène et du public, l’éducation des comédiens ne nous permettent que peu de réformes, mais le théâtre atteindra tout de même un jour ou l’autre ce degré de perfection totale auquel il peut prétendre, cette plénitude d’expression qui paraît être son but dernier et l’essence même de ses lois. L’époque que nous traversons est déjà plus favorable que les précédentes à une telle éclosion ; elle coïncide justement avec des évolutions de morale, de doctrine et de conscience étrangement passionnées. L’âme humaine est lourde de son été, elle est parvenue, non à son apogée mais à un de ces moments tout enrichis de frondaisons où l’arbre étale et porte ses feuilles avec une puissance merveilleuse, quoiqu’un peu accablée du poids de ses rameaux.

Qu’est-ce donc que cette fameuse vérité, but des bons pèlerins, Mecque éternelle des artistes ? Au premier abord, il paraît un peu puéril de la juger si rebelle ; elle semble d’un accès commode… Mais ne nous y trompons pas. Nous ne voulons point parler d’une vérité superficielle, toute d’apparences, d’un réalisme brutal en effet, aisé à conquérir et qui donne à bon marché au public l’illusion de la vie ; celle-là est, à l’humanité, ce que la carte postale est à Velasquez ; non, nous voulons dire : les rapports des vérités extérieures et des vérités intérieures. La confrontation de ces deux mondes, mais c’est tout le théâtre !… De leur conflit ou de leur amalgame il naît toutes sortes de beautés.