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GENEVIÈVE, l’interrompant.

Il y a huit jours que j’arrange mon départ et un mois au moins que je l’ai décidé.

FÉLIX.

Oh ! que je n’aime pas cela… que je n’aime pas cela !… On eût dit que je pressentais quelque chose, en venant. Je me rappelais la tête que vous vous faisiez, la dernière fois, et je me disais, en marchant : « J’aimerais mieux recevoir vingt-cinq gifles que de les trouver se disputant »… Et je les comptais les gifles, à chaque arbre… pan ! pan !… Geneviève ? Ce n’est pas sérieux ?

GENEVIÈVE.

Oh ! à n’y pas revenir !… Je ne l’aime plus. Inutile d’insister, mon bon Félix… ce n’est pas un coup de tête, un défi… je pars parce que je le veux, parce que j’en ai assez. J’ai trop souffert. Ce que j’ai souffert, mon Dieu, ce que j’ai souffert !… En ai-je subi des ignominies !… Je crois avoir fait et supporté tout ce que l’on peut humainement. À la longue, mon affection pour lui s’est usée… et maintenant, je veux me sauver. J’ai bien le droit de penser à moi !… Je ne veux pas mourir, vous comprenez ?… Il n’est que temps de me refaire une petite vie à moi… que temps ! J’ai trente-cinq ans, je suis encore jeune et j’ai de la fortune… Cela représente encore dix ans de possible… Ah ! non, non, non !… si je ne pars pas en cette minute, je suis perdue ! Sa vie n’est et ne peut être qu’une chaîne interminable de femmes et d’aventures ; à chaque chaînon, j’ai espéré… Hélas ! pas même une interruption !… Aujourd’hui, le chaînon qui se prépare, c’est la petite Darlier…

FÉLIX.

Bah !

GENEVIÈVE.

Oui, la petite Gysèle, je le sais… Un chaînon durable… L’occasion est excellente pour moi, de m’en aller au plus vite, au plus vite, Félix !… ou sans quoi, c’est