idées au-dessus de nous, et que tu n’oserais pas préciser
davantage ta pensée !… Cependant, parfois, André, j’ai
cru toucher à la résignation heureuse… Si tu savais ! si
tu savais !… Je n’ai pas eu de plus grande passion que
ton bonheur. Avec quel soin j’ai veillé sur lui… mais la
force !… la force !… Avec quel désespoir je me suis
crié : « Il faut !… il faut !… » Et parfois, j’ai dompté
la bête, parfois, j’ai cru toucher au but… oui, j’ai cru
que je pouvais ce que ne peut pas l’amour… J’ai
accueilli tes maîtresses, je leur ai souri, je leur ai touché
la main, je t’ai conduit vers elles, et certains
jours, je me suis sentie toute heureuse et toute pâle
d’un bonheur extraordinaire, d’une beauté trop forte
pour mes épaules… Ah ! tu ne sais rien… Tiens, cette
femme, je ne te l’ai pas dit, qui avait des cheveux
blonds et qui était Italienne… tu sais qui je veux dire ?…
puis, cette autre dont nous n’avons pas parlé, la
petite que tu as fait venir de Bruxelles… Eh bien…
Tais-toi ! Tais-toi !
Ah ! tu vois bien !… tu vois bien que tu as pitié de moi !
Tu as raison ; les mots nous ont dépassés… Seulement, il faut que cette conversation nous ait servi à quelque chose… Je ne veux pas céder à l’émotion à laquelle je pourrais me laisser aller… facilement… Résumons. (Les mains dans les poches.) Alors… alors… accepte-moi comme une force brutale, injuste, cruelle… soit, peu importe !… mais prends-moi ainsi, je t’assure, ou… laisse-moi !… Je t’aime, j’affirme que je t’aime, mais je ne changerai rien… je ne veux pas changer… je resterai cette force nécessaire et libre… voilà… Notre union demeurera dans la vérité.