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avec certain événement qui me frappe et qui fait qu’aujourd’hui j’aurais envie de crier… oui, il me semble que ça me ferait du bien de dire un peu : « Monstre ! monstre ! monstre ! »

ANDRÉ, doucement.

Mais non, mais non, mon petit, je ne suis pas un monstre… En effet, nous ne nous expliquons jamais, et c’est un tort !

GENEVIÈVE.

Nous expliquer ? Pourquoi, grands dieux !… Un jour, bientôt, tu sauras ce que j’ai enduré !… ce que tu m’as fait souffrir d’humiliation… oh ! d’humiliation seulement, car il y a longtemps que je ne t’aimais plus… c’est fini, je te le dis très franchement… je ne t’aime plus. C’est de la peau morte !… Mais d’humiliation, oui, de rage impuissante dans les mouchoirs tordus… Ah ! je ne puis dire que cela, mais laisse-moi le dire, tiens, ça me fait du bien… Monstre ! monstre !…

(Et elle répète ce mot dans ses dents, à mi-voix, plusieurs fois de suite.)
ANDRÉ.

Mais non, mon petit… je ne suis pas un monstre… Je suis désolé vraiment de tout ce qui arrive… je suis très peiné, je t’assure, de ne pas savoir t’éviter certains contacts… Et si tu crois que je ne m’aperçois pas de ta délicatesse !… Mais ce que je sais bien, tout de même, c’est que je ne suis pas un monstre… Il y a une chose certaine, une chose dont je réponds, et c’est l’essentiel, c’est que je t’aime !

GENEVIÈVE.

Aimer ! Tu m’aimes !…

ANDRÉ.

Arrange ça comme tu voudras, mais oui, je t’aime… Tu ne trouves peut-être pas cet amour suffisant, c’est bien compréhensible… mais que veux-tu !… Je pourrais m’en expliquer, ce serait très long… et inutile… Tout cela n’a pas l’importance que tu crois… Il y a des femmes