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peut-être, mais comme soldat, comme frère d’armes de l’autre… frère, puisque ça s’appelle ainsi, il peut parler. Qu’il donne son avis. Si j’ai bonne mémoire, c’est à la Censure qu’il se battait !

PHILIPPE.

Depuis, j’ai combattu au front, Madame, en première ligne et de tout mon cœur !… J’aurais versé mon sang avec joie ! Je le jure !

MADAME LEVASSEUR.

Mon fils a fait son devoir comme le vôtre… N’essayez pas de faire une distinction de courage entre toutes les classes de la société. Ils ont tous mêlé leur sang qui n’a fait qu’un !… Ce sera l’honneur impérissable de la bourgeoisie d’avoir donné autant de fils à la patrie, pour la sauver, que le peuple en a donné.

PHILIPPE.

Tous égaux dans la lutte et la mort ! Là, vraiment, il n’y avait qu’une famille !

JEANNE.

Eh bien ! alors, trouvez-vous juste, Monsieur, que ceux qui se sont fait casser la figure, dans ce qu’on appelait en effet la grande famille anonyme, ne trouvent pas au retour la place qui leur est due ? Et puisqu’il y en avait un qui n’avait, avant de partir, ni le rang, ni l’état civil qu’il méritait, faut-il qu’on lui refuse sa place vraie au soleil et à la vie… Allons, sa vraie plaque d’identité !… Sa plaque d’identité, vous la jugiez nécessaire, paraît-il, quand vous le croyiez mort… Tenez votre parole ! Donnez-lui le nom que vous portez et qu’il a acquis le droit de porter !