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LEVASSEUR.

Et comment ne m’en a-t-elle pas averti tout de suite ? Pourquoi m’a-t-elle laissé dans cette persuasion ?

PAUL.

C’est moi qui n’ai pas voulu…

LEVASSEUR.

Vous ? Pourquoi ?

PAUL.

Attendez !… Voilà l’histoire en deux mots. Des lignes françaises, on a vu que nous étions tombés, mon camarade Andrieux et moi. On nous a portés disparus, mais il leur avait semblé que notre compte était bon. Nos familles ont été averties que, portés disparus, nous devions être considérés comme morts. Les Boches m’ont ramassé après deux heures de souffrance. J’ai été ramené ensuite dans un lazaret et, de là, dans un camp en Allemagne. J’ai écrit à ma mère quand j’ai été assuré de survivre. Pourquoi lui faire une fausse joie, à cette femme, si je devais crever le lendemain ?… J’ai su qu’elle vous avait informé de ma disparition et que vous l’avez accueillie avec émotion.

LEVASSEUR.

Ah ! vous ne devinerez jamais le bouleversement que cette nouvelle a apporté ici !

PAUL.

Ici, oui… Là-bas, je ruminais ma souffrance ! Devant notre quart de riz, le soir, dans ma gamelle… avec mes poux à gratter et l’esquintement