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PHILIPPE.

Après moi, papa.

BLEUETTE.

Quel ensemble !

LEVASSEUR.

Ma femme a été sublime, cornélienne… c’est vrai !… Quelquefois, je la blague un peu, mais là, je le dis sans ironie aucune. Bien sûr, un moment elle a sursauté, mais tout de suite elle s’est écriée avec un geste que je n’oublierai pas : « S’il était là, je l’embrasserais ! »

BLEUETTE.

C’est très bien, Madame… Le voilà, le beau cri du cœur… en dehors de tout préjugé et de toute convention !

MADAME LEVASSEUR.

Parfaitement, je l’ai dit et, s’il avait été vivant… (À Bleuette qui lui tend l’assiette de sandwichs.) Encore un sandwich, je veux bien… Et, s’il avait été vivant, j’aurais exigé que Gabriel fît tardivement son devoir et lui donnât son nom. Voilà comment la guerre a transformé les caractères ! La seule vraie faute de Monsieur Levasseur avait été de se dérober jadis à son premier devoir social. Ça ne m’étonne pas de lui, d’ailleurs.

LEVASSEUR.

Cré bon Dieu !… Qui m’eût dit que ma femme, un jour, me le reprocherait en plein salon !… C’est inouï !

MADAME LEVASSEUR.

Parce que je suis juste et bonne.