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sans ton secours… Seulement, sache-le bien… sache-le… je garderai de ta défection un sentiment qu’il me sera impossible de surmonter. Je te le dis comme je le pense… Il y aura désormais entre nous une ombre que rien ne saurait effacer ! Ce ne sera pas bien gai, non, mais, puisque tu veux que ce soit aussi la guerre entre nous… eh bien, ce sera la guerre !… Par le temps qui court…

LEVASSEUR.

Oh ! (Il frappe brusquement du poing sur la table, puis, quelques secondes après, se reprend et, la figure congestionnée, arpente la pièce.) Ça va… ça va !… c’est entendu… J’ai toujours cédé toute la vie devant toi, je ne me sens pas de force à supporter les représailles ! Je les imagine suffisamment sans qu’il soit besoin de me les décrire à l’avance. Je préfère me déclarer vaincu tout de suite ! Allons-y !… je vais me mettre en campagne !… Je vais aplanir la route de Philippe ! Oh ! je prévois toutes les stations de mon calvaire, toutes, nous les gravirons toutes ! Il a été au service automobile, il y retournera pour quelques mois. Il sera déclaré inapte au service armé… Pendant ce temps, nous l’aurons improvisé métallurgiste ! il se réveillera métallurgiste ! Peut-être alors arriverai-je à le faire mettre en sursis d’appel comme directeur d’une société cuprifère… Pourquoi pas ?… Bon ! le sursis expire… et il est de nouveau déclaré inapte au service armé… Si on récidive, nous le ferons foutre dans les wagons-réservoirs !


MADAME LEVASSEUR.

Cesse de bouffonner ! J’avais cru un instant que tu parlais sérieusement et que tu revenais sur ton mouvement de refus.