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sance… Il est mort comme un brave, car ç’a été un soldat admirable… Deux citations… Son capitaine m’a écrit… Je te raconterai… Je n’ai pas le cœur pour le moment. Tu pleures ! Ah ! c’était ton fils tout de même… Tu le sens maintenant… Ça te fait mal… Il avait tes yeux… Ah ! si tu l’avais connu !

LEVASSEUR.

Tais-toi… Tais-toi… Qu’est-ce que tu vas devenir, infortunée ?…

JEANNE.

Moi ! Ah ! mon Dieu !… Moi !… En voilà une chose qui n’a pas d’importance… Plus vite ce sera fini, mieux ce sera !… Seulement, je connais la vie… Je sais que je suis solide… Le jour heureux n’est pas près de venir… Je tiens de ma mère qui est morte à quatre-vingts ans… Mais qu’est-ce que ça fait !… Est-ce qu’il s’agit de moi !… Si tu l’avais connu, tu aurais vu quel chic bonhomme c’était, ton fils !… Tous ceux qui ont pu l’apprécier me l’ont dit ! Déjà, dans ses études, tu sais qu’il avait été demi-boursier ? Et à la Compagnie du P.-L.-M., l’ingénieur du matériel m’avait dit… (Elle s’interrompt.) Mais à quoi bon ! À quoi bon tout cela, maintenant ?… C’est du passé. Sa mort le peint tout entier… Il ne pouvait pas ne pas mourir ! Je le savais bien !… Oh ! il n’était pas spécialement militariste… Au contraire, il m’avait dit : « Maman, la guerre est une ignominie… Mais puisqu’il faut… Eh bien… Allons-y ! » Et il y a été ! Il a eu une conduite admirable au feu… Toujours en avant… Et puis, modestement, sans phrases, même au régiment, un bon petit employé !… Comme il disait, « un bon ouvrier ». Je te raconte tout ça, pêle-mêle… je