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où je vous ai reçu dans mon petit sixième du passage des Abbesses, jamais nous ne nous sommes revus… Je crois bien même n’avoir pas eu l’occasion de vous écrire plus de deux ou trois lettres… Ce n’est pas après ce temps-là que je changerai ma manière !

LEVASSEUR.

Oui, vous avez toujours été très délicate, Jeanne, en toute occasion… je me plais à le reconnaître.

JEANNE.

Parce que vous avez toujours été très bon !… Oh ! ne faites pas ce geste de dénégation… Au fond, vous avez fait tout ce que vous avez pu… Il n’aurait pas été raisonnable d’épouser à vingt ans la couturière à la journée de votre mère ! Ce sont là des choses insensées ! Quant au petit !… Évidemment, peut-être auriez-vous pu le reconnaître… Du moins par la suite… quelques années plus tard… Mais vous avez toujours subvenu à son éducation… Oui, j’ai tellement regretté pour Paul que vous ne l’ayez pas reconnu… Seulement, nous étions si jeunes à ce moment… On ne pouvait pas exiger ça de vous… Mais combien de fois dans la vie, mon garçon ne m’a-t-il pas dit : « Vois-tu, j’aime mieux porter ton nom, maman… ton nom de travailleuse et de brave femme du peuple !… En quoi cela me gêne-t-il de m’appeler Boulard, je te le demande un peu, au lieu de m’appeler Levasseur !… » Oui, il répétait ça souvent… C’est lui qui m’a quelquefois apaisée… et toujours aidé à comprendre ! Voyez-vous, je n’exagère pas, vous avez été réellement bon. Du moins comme on peut l’être dans la vie… Vous vous êtes occupé de la question matérielle toujours très discrètement et largement… Je n’ai