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CHANTS D’AMOUR OU DE PITIÉ

Mais que nous soyons jugés par la Vergognosa libidineuse du Campo-Santo de Pise, qui regarde à travers ses doigts, ou par les intègres Alcestes du journalisme parisien, disons-le hautement, sans morgue comme sans fausse humilité : ceux qui, dans mon cas, ne reconnaissent pas que, même insuffisantes ou avortées, bonnes ou mauvaises, mes œuvres sont, d’un bout à l’autre, des chants d’amour et de pitié, écrits avec tout mon cœur, ceux-là, je les déclare aveugles-nés ou de mauvaise foi !… Oh ! je sais ce que de semblables affirmations, si naturelles, pourtant, en face des basses attaques ou des calomnies, provoquent d’irritations confraternelles dans une carrière où l’on a accoutumé de plaider inconscience et humilité pour se concilier le suffrage de ses pairs ! Toutefois, si, de leur propre aveu, ma franchise habituelle, autant que la régularité de ma production, horripile certains détracteurs, je n’en continuerai pas moins, chaque lendemain de première représentation — aux heures où Goncourt s’évanouissait dans son chocolat en lisant que M. Vitu décriait son œuvre la plus récente — à retremper mon ardeur et à fredonner gaiement la douce ritournelle :

Sur ton théâtre, dans la rue,
J’ai lancé deux petits pavés…
Demain je t’en lancerai trois !…

Trois. Pourquoi pas ? Ce chiffre ternaire sera plus justifié que de coutume. Car la Chair humaine est un triptyque plutôt qu’une pièce