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LE CHAUFFEUR.

Oui, Mademoiselle. Je la mets à l’intérieur.

(À cet instant, à la porte de droite, Georgette apparaît, tenant une couverture roulée. Bianca la lui prend des mains et repoussant Georgette vers la porte :)
BIANCA.

Non, allez-vous-en… Laissez-la, Georgette… Je suis heureuse ! Ma fille est sauvée… je sens qu’elle est sauvée ! (Se reprenant.) Mais il ne faut pas qu’elle le sache… Allez-vous-en… Ne soyez pas là pour le départ… (Georgette sort.) Tu n’auras pas froid, Bébé ? Tu ne veux pas une couverture ? (Mais cette fois, n’y tenant plus, elle tombe dans les bras de sa fille.) Malgré la peine que j’éprouve à me séparer de toi quand tu souffres, je t’aime tant, chérie, que si tu vas vers l’apaisement… ah ! grand Dieu… tout le reste m’est bien égal ! (Jessie vient d’avoir un sursaut.) Qu’est-ce que tu as ?… Oh ! ces yeux !

(Effectivement, elle a les prunelles dilatées, les yeux comme exorbités, en regardant de loin ce coffre noir qui vient la chercher.)
JESSIE.

J’ai cru que j’avais une hallucination… L’auto… ce départ… C’est tellement pareil à autrefois !

BIANCA.

Quoi ?

JESSIE.

Un jour où tu étais là… à cette même place… lui… là… exactement… Il m’avait suppliée tout bas, avec sa pauvre voix étouffée : « Jessie, Jessie, n’y va pas !… » Et je suis partie ! Je vois ses yeux de reproche… si tristes, si tristes… Je m’en vais, Max, Max,… comme autrefois !