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le drame de la Jeunesse, le vieux thème éternel de Héro et Léandre, Tristan et Yseut, Roméo et Juliette, Manon et des Grieux. Le couple par destination, la loi du printemps qui unit la jeunesse à la jeunesse, l’élan nuptial, l’éclosion de la corolle… Chose curieuse, ceux qui se sont inspirés de ce thème éternel, ou du moins ceux qui l’ont traité de main de maître, ont compris que, pour lui donner toute sa beauté, il fallait le traiter en drame et non en idylle, en douleur et non en joie ! Dans la vie elle-même, il n’est pas de sujet, en effet, plus douloureux, plus tragique… Dès que pousse le lis, dès que s’épanouit la fleur, dès que bondit sur terre la jeunesse animale, des forces bonnes et mauvaises, des volontés de destruction ou de possession se mettent en marche vers cette nativité. Elle devient, tout à coup, dans la nature, le but, l’aliment convoité. Autour d’elle gravite et se rue le désir de la Faim. Devant cette lutte qui s’organise autour d’elle, la jeunesse n’est guère qu’une proie terriblement exposée. Elle n’a, pour se défendre et triompher, que sa force nue et naturelle. Si la fleur échappe communément à la serpe, à la main, à la chenille, l’animal ou l’être humain n’échappe guère aux lois de compétition et de lutte qui naissent du désir. À l’exemple de ce qui se passe dans les forêts, dans les champs, dans l’air, partout où il y a liberté, l’instinct humain ourdit ses trames autour de la virginité et de la jeunesse. Aussitôt qu’apparaît la beauté intacte, inviolée, la chasse et la guerre préparent leur hallali. Dans cette grande parturition universelle, que de bonheurs, que de victoires joyeusement remportées !… Mais aussi que de drames et quel carnage de la beauté ! Que de jeunesse et d’amour flétris, succombant à la lutte elle même, assassinés par le simple ha-