Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 11, 1922.djvu/354

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

espèce de chien dévoué. On peut le chasser du jour au lendemain. Ma vie est exactement au point où tu l’as laissée… Tu pourrais la reprendre telle qu’elle était quand tu l’as brisée… pareille… avec cette différence que tu aurais maintenant un être mûri, déjà assagi par le chagrin et l’expérience de ses faiblesses.

BARNAC, (se dressant.)

N’essaie pas de me tenter, ma pauvre fille ; tes efforts seront inutiles !

MARTHE.

J’espérais sans cesse… je me disais : « Sait-on jamais… il faut attendre… Patience ! » Que veux-tu ? J’ai toujours eu le pressentiment que ça n’était pas fini, nous deux… Chéri, chéri… reprends-moi ! reprends-moi !… Laisse-toi être bon pour ta petite désolée… je te dis que tout peut revivre, que tout va revivre… (Ils se regardent. Une expression tumultueuse illumine le visage de Barnac.) J’en suis sûre, je le sens… je le sens à ma joie… je le sens… à ton regard !…

(Tout à coup, elle pousse un cri. Elle a compris ce qui se passait en lui. Il l’empoigne et l’étreint dans un baiser violent, dans un appel de tout l’être. Le cri de triomphe de Marthe s’achève en un susurrement tendre. Il la pousse contre le lit sur lequel elle se laisse crouler en le serrant dans ses bras. Mais à la brutale étreinte succède un retrait éperdu de Barnac qui se dégage et recule jusqu’à la cheminée.)
BARNAC.

Eh bien ! eh bien !… Quel est ce coup de folie ?… Tu viens de tenter le suprême effort pour me reprendre… Charitablement, oui, par charité, tu as voulu me persuader que tu éprouvais une attirance physique.