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remords sont naturels, mais tes plaisirs le sont aussi… (S’asseyant.) Il est nécessaire que je comprenne bien la situation et la place que tu m’as réservées… Je vais me faire autre, et plus humble, Manoune, plus efîacé encore dans ta vie, si tu veux bien m’y conserver un petit coin.

MARTHE.

Je t’ai averti… J’ai été sincère !

SERGYLL.

Oui, un beau matin, je recevrai mon ordre de départ, j’apprendrai ainsi que j’ai cessé d’exister dans ton souvenir ; c’est entendu. Mais laisse-moi, jusque-là, courir ma chance et lutter contre ma fin !… Ne pense pas que je puisse devenir le moindre obstacle à ta vie ! Du reste, sois tranquille ; je le vénère autant que toi ton grand homme !… La fois où je l’ai rencontré, où on m’a présenté à lui, j’ai balbutié : « Maître ! maître ! » avec un petit serrement de cœur très douloureux… et s’il arrivait là, en ce moment, et qu’il me reprochât ma conduite, il me semble que je serais sidéré… je m’écroulerais à genoux en disant : « Pardon, maître, pardon !… » Alors, tu vois ?… Je sais que ce grand homme est bon.

MARTHE.

Ah ! oui !

SERGYLL.

Délicat, sensible, modeste même, malgré sa gloire, et qu’il t’aime d’un amour profond… (Elle éclate en sanglots.) Manoune !… voyons, Manoune, n’aie pas de chagrin… Manoune chérie…

(Elle n’entend plus rien. Elle pleure. Le téléphone sonne.)