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PRÉFACE

La Tendresse. Débat purement psychologique. Le cas présenté n’a jamais été, que je sache, traité à fond au théâtre. Les naturalistes et les classiques, quand ils l’ont traité, se sont toujours obstinés à le faire avec une sécheresse, une amertume ironique qui semble volontairement conventionnelle, presque à rebours de toute humanité… Les époques changent, nos points de vue se transforment, notre sens humain s’agrandit, notre justice tend une main passionnée à sa sœur la pitié… Tous les auteurs dramatiques du XIXe siècle — Becque mis à part — à genoux devant le public, avaient pris pour tuf de leur observation les morales sociales établies. Toute leur œuvre en a été faussée. Le théâtre, c’est la nature, c’est la vie elle-même. Les grandes sources originelles de la passion et du sentiment doivent en former la base. Je l’ai dit maintes fois, les fluctuations de l’esprit autour de ces lois immuables, voilà le théâtre, et voilà pourquoi il peut devenir très grand, plus grand qu’aucun art. J’ai donné jadis la définition du théâtre tel que je le conçois : d’une part le destin, non plus le fatum antique, mais le faisceau coordonné de ces lois de nature qui président éternellement à nos actes ; de l’autre, la conscience humaine en marche toujours vers plus de spiritualité.

Aujourd’hui, je n’ai voulu parler que de cet essor, touchant et incompréhensible parfois, de la