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RENÉE.

Alors, c’était vrai !… Ah ! je ne le croyais pas possible !… Il a fallu qu’une âme écœurée vînt me donner des détails, et quels détails ! qui ne peuvent vous avoir été fournis — ça c’est le comble de l’horreur — que par une femme dont je n’ose prononcer le nom, parce que c’est un nom généralement réservé à la tendresse… (Elle suffoque, puis reprend.) Cette femme en est, paraît-il, descendue à vous fournir des lettres, des témoignages de l’adultère ? Est-ce vrai, dites, qu’il y a des lettres d’amour là-dedans, la correspondance d’un politicien, aujourd’hui disparu, des lettres qui parlent de leur enfant ?

GIBERT.

Je vous arrête… voici le chapitre incriminé… lisez…

RENÉE, (après avoir jeté les yeux et feuilleté avidement.)

Oh ! oh ! vous avez osé ça ! Je ne peux pas !… Je ne peux pas lire ça !… Oh ! Monsieur ! pour assouvir une passion politique, vous attaquer à la vie privée, cette chose sacrée, me briser le cœur, me couvrir de honte ! Vous allez jeter à la risée publique une révélation inutile, odieuse, infâme, telle que, depuis deux ans qu’on me l’a faite, je suis un être désespéré et vous répondez, superbement : «Le fleuve passe ! » Non… non, écoutez bien… je suis venue pour vous le dire… ce livre ne paraîtra pas !… Si des exemplaires en ont déjà été mis en librairie, vous allez les retirer aujourd’hui même… ou bien…

(Elle s’arrête.)
GIBERT, (froidement.)

Ou bien vous allez me tuer ?… C’est cela !…