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Scène V


GIBERT, RENÉE

RENÉE, (défaisant son épaisse voilette.)

Oui, c’est moi… c’est moi ! Je savais que, sous ce nom, je parviendrais jusqu’à vous ! Alors ? Il paraît que vous allez publier un livre… oui… le voilà… qui non seulement traîne dans la boue celui dont je porte le nom, mais encore va livrer au public toute ma vie privée !… Vous allez aussi vous en prendre à une femme, vous allez étaler le secret de sa naissance, le drame de sa vie… Est-ce vrai, cette infamie ?

GIBERT, (se calant dans une attitude hautaine mais sans morgue.)

Mademoiselle, je n’ai à répondre à cette question que par mon livre lui-même. Ce n’est nullement une biographie. Mon personnage porte un nom imaginé !… J’ai réuni autour de cette figure, je le reconnais, les traits caractéristiques d’une personnalité qui travaille contre son pays, et qui, s’étant mis à la tête de ce parti qui mène la France droit à la ruine, n’a qu’à s’en prendre à elle-même si elle se reconnaît dans cette effigie !… Je fais, par amour patriotique, de la prophylaxie indispensable… voilà. Tant pis si, dans la débâcle, il y a des victimes intéressantes, tant pis !… Le fleuve passe et brise quelques roseaux. C’est pour le salut de ses rives… Telle est mon oeuvre, Mademoiselle… Je m’excuse, mais rien ne m’arrêtera, je vous en avertis, ni la menace, ni la vengeance