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bien dire qu’elles ne peuvent pas penser à nous jusqu’à la fin des fins ! quoi ?… Tout passe, malheur et bonheur !… On ne se souvient plus de nous, je vous dis !… Il n’y a rien eu, il n’y a jamais rien eu !… Il faut que ce soit comme ça !…

(Une femme est entrée depuis un instant ; elle écoute.)
LA FEMME.

Il y a toujours nous, vos femmes !…

UN HOMME.

Tiens ! t’es donc jalouse, la mère Thibault ! La mère rogue toujours !

JULIE, (qui était restée au bureau, en train de classer, sans rien dire.)

Qu’est-ce que vous voulez ? Vous cherchez Monsieur le sous-préfet ?

LA FEMME.

Mande pardon… je n’ai trouvé personne en bas ; je suis venue apporter dix francs pour la souscription du monument aux morts. C’est mes économies.

JULIE.

Donnez-les, je vais vous inscrire.

LA FEMME.

Je vous connais, Villard, allez !… Les femmes du peuple ont valu les autres… même sans rien faire que de labourer les champs.

UN HOMME.

Bien sûr ! mais c’était votre ouvrage d’habitude !… Vous n’avez pas de mérite !

JULIE, (levant le nez de ses papiers, et haussant les épaules.)

Je vous trouve injuste. Pourquoi réclamer la priorité pour les unes ou pour les autres. Le rôle des femmes a été dur, amer, sur toute la face du